L’effet report pour les nuls

Depuis votre arrivée à l’IRSN, vous entendez parler de l’effet report, notamment à l’occasion des Négociations Annuelles Obligatoires sur les salaires (NAO). Mais savez-vous ce qu’est l’effet report ? Aujourd’hui la CFE-CGC vous présente cet outil comptable et ses subtilités.

En matière d’augmentation des rémunérations, il convient de distinguer :

  • l’augmentation des salaires,
  • l’augmentation de la Rémunération Moyenne du Personnel en Place (RMPP),
  • l’augmentation de la masse salariale.

Le salarié est sensible à l’augmentation des salaires (notamment le sien), Bercy surtout à l’encadrement de la RMPP, alors que l’employeur est plutôt focalisé sur l’augmentation de la masse salariale.

L’augmentation des salaires est généralement exprimée en pourcentage ; on parle alors d’augmen­tation en niveau des salaires. C’est l’augmentation classique que chaque salarié connait plus ou moins régulièrement au cours de sa carrière : si par exemple un salarié gagne 1000 € [1] par mois et qu’il obtient une augmentation de salaire de 1 % au 1er juillet de l’année N, il gagne 1000 € jusqu’en juin et gagnera 1010 € à partir du mois de juillet.

L’augmentation de la RMPP est l’augmentation en euros des dépenses de l’employeur d’une année sur l’autre pour couvrir l’augmentation des rémunérations : augmentation générale éventuelle de la valeur du point, augmentations individuelles et variation des diverses primes attribuées.

Enfin, l’augmentation [2] de la masse salariale est l’augmentation globale des dépenses de rémunération. Elle est essentiellement due aux variations d’effectif (effet volume) et à l’augmentation des rémunérations (effet masse). Beaucoup d’autres facteurs influent également sur la variation de la masse salariale (effet de noria, changement de classification des salariés, monétisation des CET, etc.) mais nous n’en parlerons pas ici. D’une année sur l’autre, la RMPP et la masse salariale ont à peu près les mêmes évolutions, si les effectifs et leur structure varient peu. Toutefois, elles ne mesurent pas la même grandeur. Ainsi, un employeur qui réduirait de moitié ses effectifs et doublerait l’ensemble des rémunérations des salariés verrait doubler sa RMPP sans variation de la masse salariale.

L’augmentation de la masse salariale et de la RMPP s’apprécient généralement en année pleine (1er janvier au 31 décembre). Elles peuvent, comme les augmentations des salaires, s’exprimer en pourcentage : il suffit de traduire en pourcentage l’augmentation des sommes en euros entre les deux années pleines.

Ainsi, dans notre exemple réduit à un seul salarié et une seule augmentation de salaire [3], la masse salariale de l’année N sera de 6 x 1.000 € + 6 x 1.010 €, soit 12.060 €. En supposant que l’année N-1, le salarié a été régulièrement payé 1.000 € par mois pendant les 12 mois, on calcule facilement l’augmentation de masse salariale de l’année N-1 à l’année N : (12.060-12.000)/ 1200 x100 soit 0,5 %.

Pour le salarié, l’augmentation de salaire est de 1 % alors que pour l’employeur l’augmentation de la masse salariale n’est que de 0,5 % l’année N puisque l’augmentation de salaire ne s’est appliquée que sur la moitié de l’année.

En revanche, l’année suivante N+1, même en l’absence d’augmentation des salaires (0 % d’augmentation des salaires l’année N+1) l’employeur constatera une augmentation de sa masse salariale par rapport à l’année N, puisque l’augmentation des salaires accordée l’année N est pérenne et que le salaire de 1.010 € sera versé pendant 12 mois contre 6 l’année N, les premiers 6 mois n’ayant été rémunérés qu’à 1.000 €. L’augmentation de la masse salariale l’année N+1 sera de 0,5 % malgré l’absence d’augmentation des salaires.

Il apparait donc un risque d’ambiguïté dans les discussions sur les augmentations salariales. Ce risque d’ambiguïté est levé par la prise en compte de la notion d’effet report :

L’effet report résulte de l’application de mesures d’augmentations pérennes en cours d’année et qui ne produisent donc pas leur plein effet dans la masse salariale l’année considérée mais produisent leur plein effet l’année suivante.

L’effet report est également à prendre en compte dans le cas d’une mesure non pérenne, telle une prime. En supposant le seul versement d’une prime l’année N et non reconduite l’année N+1, l’employeur constatera une hausse de la masse salariale l’année N mais, grâce à l’effet report, une baisse [4] de la masse salariale l’année N+1. On parle alors d’effet report négatif ou effet déport.

En définitive, l’effet report est un instrument comptable qui traduit les conséquences sur l’année suivante des décisions prises en matière de rémunération une année donnée. Il intervient dans les discussions sur les augmentations de salaire, le cadrage de la RMPP et la masse salariale, que ce soit entre les partenaires sociaux ou avec les tutelles. Il peut permettre d’accorder des augmentations de salaire à peu de frais une année donnée, mais à l’inverse conduire à une augmentation importante des dépenses salariales malgré de faibles augmentations l’année suivante.

Il s’agit donc de bien maitriser cet effet pour en comprendre les subtilités. C’est ce que la CFE-CGC souhaitait partager avec vous dans cet article.

Avez-vous des questions ou des remarques sur ce sujet et cet article ? N’hésitez pas à contacter la CFE-CGC : irsn.cgc@irsn.fr

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[1] 1000 € pour la simplification de l’exemple. À l’IRSN, le salaire moyen brut mensuel était de 4479 € en 2019.

[2] La démonstration est établie dans un contexte simple et résolument optimiste où l’effectif est constant, sans effet de structure et la masse salariale supposée augmenter. Dans un contexte économique tendu, la masse salariale peut bien entendu décroitre, surtout par réduction des effectifs.

[3] Dans cet exemple simplifié, l’augmentation de la RMPP se confond avec l’augmentation de la masse salariale.

[4] Dans cet exemple avec prime, il n’y a pas d’augmentation des salaires, ni l’année N, ni l’année N+1.

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