Les élus du Comité Social et Économique (CSE) reçoivent depuis quelques jours, par lettre recommandée (page 1), la décision du jugement rendu en délibéré le 31 juillet 2020 par le tribunal d’instance d’Antony, relatif à la régularité de l’élection du CSE de l’IRSN.
Comme nous vous l’annoncions dans nos articles du 17 décembre 2019, du 10 janvier 2020 et du 5 juin 2020, notre syndicat, le SICTAM CFE-CGC, a été amené à contester la régularité de l’élection des membres élus par le personnel au CSE de l’IRSN.
Le rappel de l’objet du litige
Rappelons que cette décision grave avait été prise en raison de la conjonction de quatre constats principaux :
- La CGT n’a pas respecté la loi électorale et les engagements qu’elle avait signés en diffusant pendant la période du scrutin un document qui, selon la CFE-CGC, recelait de la propagande électorale ;
- La propagande électorale ayant pour but d’influencer les électeurs, la CFE-CGC a estimé que cette diffusion de propagande CGT pendant le scrutin pouvait fausser le résultat de l’élection par rapport au résultat qui serait obtenu en l’absence de cette propagande contestée ;
- La CGT ayant obtenu 541 voix sur 1081, soit 50,05 % des votes exprimés, elle acquiert à une voix près la majorité absolue pour la signature des accords en négociation avec la Direction ;
- Enfin, la majorité absolue de la CGT et la disparition des accords dits « minoritaires », par l’application de la récente loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, restreignent de fait les possibilités de négociations des syndicats minoritaires et de la Direction.
Fort de ces constatations, la CFE-CGC a estimé que l’irrégularité observée pouvait très facilement modifier le résultat global (à 1 seule voix près) et que cette modification avait, par effet « falaise », des conséquences importantes sur le déroulement et le résultat final des négociations avec la Direction.
Dans ces conditions, en tant que syndicat responsable à l’égard de l’ensemble des salariés de l’IRSN, la CFE-CGC ne pouvait pas rester inactive. La Direction et la CFDT voulant rester « neutres », la CFE-CGC a dû engager seule une action en justice par le dépôt d’une requête auprès du tribunal d’instance d’Antony afin de requérir l’annulation de l’élection.
L’audience, après deux renvois en raison du mouvement de grève contre la réforme des retraites puis du fait de l’urgence sanitaire liée à la Covid 19, s’est tenue le 26 juin 2020.
La décision du tribunal
Par sa décision rendue en délibéré le 31 juillet 2020, le tribunal d’instance d’Antony a débouté le SICTAM CFE-CGC de sa demande d’annulation des élections du CSE (page 8).
Cette décision est intéressante à plus d’un titre et riche d’enseignements.
a) La CFE-CGC avait raison
Tout d’abord, la décision confirme que la CFE-CGC avait raison. En effet, sur le fond, la juge donne raison à la CFE-CGC puisque, s’agissant des encarts en jaune du compte-rendu litigieux de la CGT, la juge précise (page 7) que « les termes de certains de ces encarts en ce qu’ils visent à promouvoir l’action du syndicat ou rappellent les propositions de sa profession de foi s’analysent en de la propagande électorale quand bien même, comme il en justifie, le syndicat CGT a pour habitude depuis plusieurs années de communiquer un compte-rendu avec de tels encarts quelques jours seulement après la réunion du comité ». C’est exactement ce que la CFE-CGC estimait.
Sur ce point, la juge confirme également ce que nous dénonçons depuis longtemps, le compte rendu du CSE (ou du CE) émis régulièrement par la CGT depuis des années n’est pas un compte rendu objectif mais bien une propagande CGT.
b) Retour vers le futur
Toutefois, il ne suffit pas d’avoir raison pour obtenir la réparation demandée. La CFE-CGC, et ses élus, sont déboutés parce qu’ils « ne rapportent pas la preuve que la diffusion du mail litigieux portant communication du compte rendu du CE (…) a exercé une influence déterminante sur le résultat du scrutin ». Et pour cause ! Cette preuve parait difficile à apporter si la démonstration de l’importance du changement du résultat à une voix près n’est pas suffisante. A moins de remonter dans le temps et de revivre l’élection, sans l’envoi du message litigieux cette fois-ci, la démonstration semble impossible à apporter. Pour la CFE-CGC, c’est bien l’impossibilité de mesurer l’ampleur des conséquences d’une irrégularité qui conduit à condamner l’irrégularité elle-même et non pas ses conséquences.
Cette décision nous enseigne que, quoi que prévoie le protocole d’accord pré-électoral, nul ne pourra contester une propagande abusive avérée, faute de pouvoir apporter la preuve de ses conséquences.
c) La CGT déboutée également
Le tribunal déboute également la CGT de sa demande de remboursement de 3.000 € de frais de la part du SICTAM car (page 7) « l’équité et les circonstances de l’espèce commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ». La juge reconnait ainsi que le procès était légitime. La CGT n’a pas à obtenir de remboursement de frais pour une procédure dont elle endosse la responsabilité.
Et la suite
L’appréciation de l’incidence d’une irrégularité sur la validité des résultats du scrutin n’est pas susceptible d’appel sur le fond du jugement. La procédure ayant par ailleurs été régulière, elle est peu susceptible d’être annulée par un pourvoi éventuel en cassation.
Dans ces conditions, la CFE-CGC prend acte de cette décision qui engage l’IRSN jusqu’à la prochaine élection du CSE en 2023. La CFE-CGC remercie tous ceux qui ayant compris l’enjeu ont soutenu notre position. Plus que jamais, chacun peut compter sur la CFE-CGC et ses élus pour continuer à défendre les intérêts des salariés et ceux de l’IRSN.
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En guise de conclusion
Cette décision pourrait surprendre bon nombre de salariés de l’IRSN. Pour les rassurer, il nous semble important de rappeler ici que les ingénieurs de l’IRSN, comme ceux de l’exploitant, ne travaillent pas selon la même logique en cas d’identification d’une anomalie de conformité dans une installation nucléaire par exemple. Ils n’attendent pas la preuve des conséquences néfastes de l’anomalie (l’accident notamment) pour valider la nécessité de la remise en conformité.
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